Le recours à la médiation en matière immobilière : aveu de faiblesse ou alternative appréciable à l’état actuel de la justice ?
Par Joëlle Troeder,
Avocat au barreau de Bruxelles et Médiateur agréé,
Cabinet EOR www.eor-law.be
Avocat au barreau de Bruxelles et Médiateur agréé, Cabinet EOR www.eor-law.be
Ceux qui ont déjà été confrontés à l’appareil judiciaire ne me contrediront pas : le tribunal, même s’il porte le doux nom de Justice de « Paix » est malheureusement peu souvent un facteur d’apaisement du conflit ou de sérénité. Rares sont ceux qui échappent à une impression de frustration et parfois même de révolte, ayant le sentiment d’avoir mal ou pas été entendus.
Depuis quelques années, les modes alternatifs de règlement des conflits sont mis en évidence dans le but de contourner un système judiciaire lent et peu pragmatique.
Le législateur a récemment donné un coup d’accélérateur à cette tendance en instaurant un nouvel article 1734 §1er alinéa 2 du Code judiciaire qui stipule :
Lorsqu’il estime qu’un rapprochement entre les parties est possible le juge, peut, d’office ou à la demande de l’une des parties, ordonner une médiation, après avoir entendu les parties, à l’audience d’introduction, à une audience de remise à une date rapprochée ou à une audience fixée au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui du dépôt des premières conclusions du défendeur. Si toutes les parties s’y opposent, le juge ne peut ordonner une médiation.
L’article 1730 du même Code prévoit quant à lui la médiation extra-judiciaire, c’est-à-dire la possibilité pour toute partie à un procès de proposer aux autres parties, indépendamment de toute procédure judiciaire ou arbitrale, avant, pendant ou après le déroulement d’une procédure judiciaire, de recourir au processus de médiation. Les parties désignent le médiateur de commun accord ou chargent un tiers de cette désignation.
Mais qu’est-ce qu’une médiation et que peut-elle réellement apporter ?
Dissipons d’abord quelques malentendus : le médiateur n’est ni un juge, ni un arbitre, il est indépendant, impartial et neutre. Ce n’est donc pas lui qui va prendre une décision ou proposer un solution.
Ce n’est pas non plus parce que quelqu’un participe à une médiation qu’il va devoir faire des compromis ou abandonner une partie de ses prétentions. Bien au contraire.
Le rôle du médiateur est en réalité de permettre aux parties d’être elles-mêmes les artisans d’une solution à leur différend. On pourrait l’appeler un facilitateur avec mission d’autonomisation (la notion d’empowerment en anglais).
Comment s’y prend-il ? Dans un cadre formel sécurisé, car confidentiel, cadre librement consenti par les parties, il propose des outils de communication et mène un processus qui aide les parties à négocier de façon raisonnée.
L’idée est d’aboutir à un accord que l’on peut qualifier d’intégratif, c’est-à-dire qu’il rencontre les intérêts de tous et exploite toutes les ressources, les opportunités en vue d’un gain mutuel, également dans un objectif de durabilité.
Mais est-ce efficace ? Oui, pour autant que les parties acceptent librement le processus et aient un état d’esprit constructif, on observe des résultats surprenants et qui emportent une réelle satisfaction. Ce sont en effet des solutions sur-mesure, originales, où il n’y a pas un perdant et un gagnant, où même les aspects émotionnels sont pris en compte.
Et puis, un autre élément extrêmement intéressant de la médiation est sa rapidité : l’ensemble du processus peut durer de quelques heures à quelques semaines voire quelques mois lorsque le litige est réellement complexe. Les parties disposent d’un réel contrôle du temps, qui peut être un élément essentiel fixé dès l’entame du processus. Des points urgents peuvent aussi être traités très rapidement, dès la première séance si le besoin s’en fait sentit.
A titre de comparaison, les premières audiences de plaidoiries devant la Cour d’appel de Bruxelles pour des appels de Justice de Paix sont fixées au plus tôt à 3-4 ans et dans certaines Justices de Paix, il faut attendre 9 mois avant d’avoir une date de plaidoiries…
Un autre aspect positif est le coût : le médiateur est payé par les parties, selon un taux horaire, en général par moitié, une médiation comptant en moyenne 4 à 8 heures pour un litige simple. Les avocats peuvent assister leurs clients. On économise ainsi les frais de justice (huissiers, indemnités de procédure, frais de citation, etc.).
La sécurité juridique est également au rendez-vous puisque, si nécessaire, l’accord peut être homologué par un juge.
Et si cela ne fonctionne pas ? La voie judiciaire est toujours ouverte et ce qui s’est passé en médiation, sauf accord différent des parties, reste confidentiel, ce qui évite les trahisons ou coups pendables.
Dernière question : en quoi les propriétaires peuvent-ils y voir un intérêt dans les litiges auxquels ils sont confrontés ?
Au-delà de ce qui a déjà été évoqué, la médiation présente une perspective intéressante en matière des troubles de voisinage puisqu’il s’agit de situations où des tensions sont souvent très fortes et où les parties sont en général vouées à se côtoyer un certain temps. Mais dans d’autres types de conflits également, comme les litiges locatifs, de copropriété ou de ventes d’immeuble, la médiation permet très souvent de comprendre, réparer et surtout de passer sereinement à autre chose…